Qu'elle est belle la Charente !



Là, souffle entre les châtaigniers et les peupliers blancs, une bise rafraîchissante. L'endroit est sauvage et comme environné encore de mystères sacrés. On n’est pas surpris d'y trouver un dolmen, une église romane, un château. 

La Charente pure, verte et profonde dont le nom seul suffit à suggérer, l'image de la fraîcheur et des loisirs heureux, sa charmante escorte d'affluents, de ruisseaux clairs, le tic tac régulier de la roue des moulins, la jacasserie des lavandières, le chapeau de paille immobile du pêcheur embusqué, le temps qui s'écoule tout en douceur.


La Charente est un fleuve français de 381 kilomètres du bassin aquitain. Prenant sa source à Chéronnac dans la Haute-Vienne à 295 mètres d'altitude, elle traverse ensuite les départements de la Vienne, de la Charente et de la Charente-Maritime avant de se jeter dans l'océan Atlantique entre Port-des-Barques et Fouras par un large estuaire.
Dans le département de la Vienne, elle s'écoule sur 47 kilomètres, traversant les communes de Chatain, Asnois, Charroux, Savigné, Civray, St Pierre d'Exideuil, St Saviol, St Macoux, Voulème et Lizant, avant de continuer son chemin dans le département de la Charente.

Depuis le début des temps, l'homme a toujours vécu près des cours d'eau, en témoignent les grottes du Chaffaud sur la commune de Savigné dans lesquelles ont été découvert de nombreux vestiges préhistoriques datant de la période Magdaléniènne.



A l'époque gallo-romaine, la Charente était nommée Kanentelos. Cet hydronyme est mentionné par Claude Ptolémée en 140 après Jésus-Christ.
Au IV siècle, Kanentelos devient Carentonus en latin. Ce mot signifiait alors "le fleuve des eaux tranquilles".

Etymologiquement, le mot pourrait avoir deux origines : 

  • dérivé du celte carat, signifiant ami. La Charente serait le fleuve ami des habitants de ses rives.
  • dérivé d'une racine pré-celtique caranto, signifiant sable. La Charente serait un fleuve aux rives sablonneuses.
La Charente, comme bon nombre de rivières et ruisseaux, a toujours joué un rôle important dans la vie des habitants qui ont pu s'installer près d'elle au fils des siècles car elle est vitale pour les différents organismes connus. Que se soit l'homme, les espèces animales ou végétales, tous ont besoin d'eau pour vivre !


L'eau, source de vie


Depuis la nuit des temps, l’eau a fait naître dans l’imaginaire de l’homme, croyances et légendes. Les fontaines à vertu en sont l’avatar.
Bien avant la conquête romaine, les croyances populaires, qu’elles soient rattachées à un culte religieux ou non, prêtaient à certains points d’eau, des pouvoirs exceptionnels.
Ces vertus pouvaient être très variées : guérison, dons de fécondité, protection etc. Les romains eux-mêmes vouaient un attachement particulier au culte des sources.


La source du Moulin du Tan




Dans le sud de la Vienne, de nombreuses sources jaillissent claires et scintillantes de la roche. La commune de Lizant dénombre pas moins de 26 fontaines toutes plus jolies les unes que les autres.

La présence de ces nombreuses résurgences, est due à un paysage vallonné de plateaux calcaires. En effet, dans les vallées l’érosion a entaillée successivement la couche perméable et la couche imperméable. L’eau s’infiltrant dans la première ressort alors en de multiples sources et de résurgences.  

Si bon nombre d'espèces animales terrestres viennent si nourrir et s'y abreuver, on peut aussi noter l'aspect aquatique de son environnement qui abrite une faune importante. La truite, le goujon, le vairon sont des espèces sensibles à la qualité de l'eau qui vont y établir leur habitat, les frayères dans des zones peu profondes et courantes. 

Mais si l’eau est indispensable dans les fonctions écologiques et essentielle dans toutes les activités humaines, les milieux aquatiques souffrent de pollutions diverses qui dégradent sa qualité, mettent en péril un nombre important d’espèces aquatiques et menacent la qualité des ressources en eau potable.

Ces pollutions sont d’origine artisanale, industrielle, agricole ou domestique. L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur, et le développement de la ressource dans le respect des équilibres naturels sont d’intérêt général.


Les moulins à eau


Le moulin à eau est attesté en Europe depuis l'Antiquité afin de remplacer l'esclavage, utilisant l'énergie hydraulique plutôt qu'animal ou humaine et permet une production incomparable. Chaque meule peut moudre 150 kgs de blé à l'heure ce qui correspond au travail de 40 esclaves. 




Dans la majorité des cas, la roue à aubes est verticale. Il existe plusieurs systèmes pour amener à faire fonctionner la roue en fonction de la topographie des terrains.
Dans un moulin au fil de l'eau, c'est le courant du cours d'eau ou du bief passant par l'abbée, empellement que l'on peut abaisser ou remonter afin de réguler l'arrivée de l'eau, qui entraîne la roue à aubes par sa partie inférieure.
En conduisant l'eau au-dessus de la roue, c'est la chute de l'eau qui transmet son énergie à la roue ; l'usage de roues à godets permet un rendement supérieur.
L'eau peut aussi arriver sous la roue, pour lui transmettre une partie de son énergie cinétique.



Les moulins à eau étaient utilisés pour de multiples usages avant l'ère industrielle, comme :
  • pour moudre les céréales, l'usage le plus ancien
  • pour extraire l'huile des oléagineux : noix, colza, etc …
  • dans l'industrie forestière, les scieries
  • pour le textile : foulons, métiers à tisser
  • pour le travail des métaux : meules, forges, marteau-pilon
  • pour actionner des pompes
  • pour le papier ; défibrer les chiffons détrempés en pâte à papier
  • pour le tannage : concassage des écorces pour en extrait le tan

De nos jours, le moulin à eau a trouvé une nouvelle fonction en permettant de produire de l'électricité, énergie propre provenant de l'entrainement de génératrices.

En plus de sa fonction de production, le moulin à eau permet de réguler la rivière notamment lors des crues grâce à ses empellements qui vont chasser l'excédant d'eau. Il joue aussi un rôle d'oxygénateur naturel contribuant ainsi au développement de certaines espèces aquatiques. 


Le moulin à tan


Le terme de tan vient du radical gaulois de tann qui signifie chêne. Le tan est constitué d'écorces de chêne moulue, utilisé dans l'application des méthodes anciennes de tannage végétal.

L'homme a utilisé les peaux d'animaux depuis qu'il est sur terre, d'abord pour s'abriter, puis pour se vêtir. Toutefois à l'origine les peaux n'étaient pas traitées, mais seulement fumées et séchées ; elles devaient donc être remplacées souvent.

Les tanneurs existaient déjà dans l’Egypte antique, des sandales de cuir ont été retrouvé dans les tombes. Le tannage végétal apparaît au néolithique, 8000 à 10 000 ans avant notre ère. Le tannage à l’alun était connu des Égyptiens il y a 6000 ans.
L’homme dégraissait le cuir avec de l’argile dès 5000 ans avant JC. Dans la Rome antique le cuir était recherché et les Romains exigeaient des vaincus des tributs en cuir et en fourrures. Pendant les guerres, les soldats utilisaient des protections en cuir.

En France, il faudra attendre le moyen-âge pour voir cette technique apparaître avec le retour des croisés revenus du Moyen-Orient. A partir de ce moment, la civilisation se mit au commerce du cuir.
On se déplaçait à cheval et les harnais, les baudriers, toutes les courroies, les selles, étaient en cuir. Il servait aussi à la confection des semelles de chaussures à celle des bottes, des bottines, de gants en fourrure. Les gibecières, les fourreaux des armes étaient en cuir. On recouvrait les murs des belles demeures de tentures de cuir doré gaufré. Le cuir était partout.

Le Poitou était réputé pour ses cuirs, en témoigne la Cité des tanneurs de Poitiers ainsi que celle de Niort. 
Les tanneurs s’installent près des rivières afin de transformer les peaux achetées auprès des bouchers en cuirs et étaient fabriqués à partir de peaux d’âne, de mulet, de boeufs, de chèvres, de vaches, de veaux, de cheval mais aussi au XIIIe siècle des peaux d’écureuil, de fouine, de chat, de petit gris (le petit gris désigne une fourrure précieuse de peaux de rat ou d’écureuil, en provenance des pays froids).


Les opérations de tannerie sont complexes et nombreuses afin de rendre les peaux imputrescibles. Après l’abattage, les peaux sont salées ou séchées si on ne les travaille pas de suite. 
Trois étapes précèdent le tannage proprement dit.



  • le pelanage permet d’ouvrir les pores des peaux brutes ce qui facilitera la chute des poils. Il se fait au lait de chaux, après la trempe ou reverdissage dans l’eau de rivière.
  • le débourrage consiste a racler les peaux à l'aide d'un couteau rond afin de les débarrasser des impuretés et des poils, nécessitant de nombreux lavages. Les peaux brutes deviennent des peaux en tripe, molles, prêtes pour le tannage.
  • le gonflement des peaux  par trempage dans un bain de tan favorisera l’absorption du tanin et les rendre inaltérables.



Tout cela prend beaucoup de temps, de un à deux ans pour les méthodes traditionnelles. Les techniques varient selon les régions et en fonction des époques. Le travail est long, dur, dans l’humidité et les mauvaises odeurs, les ateliers sont mal fermés et non chauffés. Les ouvriers manipulent les peaux imprégnées de chaux sans protection aucune, ils respirent la poussière de tan, les fosses sont dans la cour, à ciel ouvert.





L'implantation d'un moulin à tan relève de différentes stratégies économiques. Dans les campagnes ou dans les petits villages, ils occupent soit des sites isolés, près des lieux de production d'écorce en milieu campagnard ou forestier, soit des sites proches des bourgs.

Le contrôle économique des moulins à tan, construction et gestion, fut le fait de trois groupes d'acteurs bien distincts : les seigneurs laïques ou ecclésiastiques, les tanneurs en nom collectif, et les propriétaires privés. L'activité était très rentable pour celui qui l'exploitait.

La poudre de tan devant servir au tannage des cuirs était produite à partir d'écorces. Les charrettes venaient déposer des bottes d'écorces sous un hangar, bâtiment indispensable pour les protéger et les faire séchées avant d'être broyées.
Les moulins à pilons furent parmi les mécanismes de broyage les plus répandus du moyen-âge jusqu'à la deuxième guerre mondiale, et ce malgré la concurrence d'autres procédés. Les pilons sont dotés de deux types de couteaux, l'un taillant perpendiculairement en forme de T, l'autre de taillant simple. 



Une fois broyée, la poudre de tan était récupérée et mise en sac pour servir aux opérations de tannage.


Les propriétaires du Moulin du Tan de Savigné


Caché dans la verdure, le Moulin du Tan de Savigné se dresse majestueux, silencieux comme venu d'un autre temps. 


Afin de retrouver son origine, aujourd'hui propriété de Mr Christian Martin, il faut tenter de remonter au fur et à mesure les différents propriétaires grâce aux actes notariés ou tout autre document glané. Mais la tâche devient plus ardue au fils des siècles, les écrits étant de plus en plus rares, en mauvais état de conservation, parfois écrits dans un vieux français avec une orthographe douteuse, voir en latin.

Nous partirons donc du propriétaire actuel.

20/11/1998Christian MARTIN
donation de Mme Pierrette Françoise Eliot des parcelles 694, 697, 698, 699, 1219, 1222 et 1223
donation de Mr Jean-Marie MARTIN des parcelles de pré 702 et 703
Acte réalisé par Maitre Patrice Gautier

27/11/1978Pierrette Françoise Eliot épouse MARTIN
acquisition de Mme Jeanne Marie Madeleine Yvonne Reviron épouse Sardin
Acte réalisé par Maitre Gérard Gilbert
Bureau des hypothèques Poitiers 18/12/1978 volume 7010, n°5

25/11/1963Jeanne Marie Madeleine Yvonne Reviron épouse Sardin
acquisition de Mme Germaine Marie Briand épouse Combaud
Acte réalisé par Maître Fouretier (Charroux)
Bureau des hypothèques Poitiers 22/01/1964 volume 3413 n°44
Dans l'acte figurait les parcelles n°695 et 696 vendues par les époux Sardin séparements

31/07/1928Lucien Eugène Combaud et Germaine Briand épouse Combaud
acquisition de Mr Fernand Gourdonneau et Mme Clémence Demon épouse Gourdonneau
Acte réalisé par Maître Henry Guiochon (Civray)
Bureau des hypothèques Poitiers 19/09/1928 volume 395 n°19

14/02/1920Fernand Gourdonneau
acquisition de Mme Angèle Montouchet
Acte réalisé par Maitre Galopant (Civray)
Bureau des hypothèques de Civray 27/03/1920 volume 957 n°29
Inscription d'office 27/03/1920 volume 530 n°200

1888Angèle Marie Montouchet
acquisition de Mr Jules Charles Montouchet (son père décédé)
Acte réalisé par Maitre Pierron (Civray)

24/12/1876Jules Charles Montouchet et Marie Perroche
acquisition par succession famille Mongin
Acte réalisé par Maître Pierron (Civray)
Bureau des hypothèques de Civray 25/01/1877 volume 355 n°8
Inscription d'office volume 274 et 245

Rachat démembrement
Jean Baptiste Mongin (négociant) et Françoise Zora Convamy épouse Mongin

8/10/1857 : acquisition de Jean Pierre Moreau (notaire) et Marie Celeste Adeline Serph épouse Moreau
Registre des hypothèques 26/10/1857 f. 96 Ce 3 à 7
Terrain de 4 ares

28/09/1855 : acquisition de Pierre Fombelle (meunier) et Marie Barbot épouse Fombelle
Acte réalisé par Maître Moreau (Civray)
Registre des hypothèques volume 101 n°19
Pré de 18 ares

11/09/1855 : acquisition de Louis Blanchard (cultivateur) et Marie Maumont épouse Blanchard
Acte réalisé par Maitre Moreau (Civray)
Pré de 8 ares

16/04/1853 : acquisition de François Minot (Maire de Savigné) du chemin du Tan

7 et 12/12/1852 : acquisition de Jean Fombelle et Madeleine Blanchard épouse Fombelle
Acte réalisé par Maître Moreau (Civray)
Bureau des hypothèques 24/12/1852 volume 83 n°54
Vente maison, toits, grange, galerie, buanderie, four, charrière et jardin

14/07/1851 : acquisition de Jacques Fombelle (meunier)
Jugement d'adjudication (saisie immobilière)
Registre des hypothèques et des engagements volume 3 n°56 (Civray)

12/06/1843Enfants Fombelle
donation partage de Marie Bert veuve de Jean Fombelle
Acte réalisé par Maître Moreau (Civray)
Fontaine rattaché au lot de Jacques Fombelle

16/09/1818 : Acte de décès de Jean Bert à l'age de 63 ans

15/07/1817Marie Bert épouse Fombelle
donation en viager de Jean Bert (son oncle)
Acte réalisé par Maitre Raphael Serph

08/09/1814 : Acte de décès de Jeanne Villechange à l'age de 56 ans.
Fille de feu Jacques Villechange et Jeanne Bert

12/12/1811 : Testament entre époux Jeanne Villechange et Jean Bert

08/02/1791Jean Bert et Jeanne Villechange
de Marie Julie Buchey (1750-1818), épouse de François Poitevin (mariage 1775)
Acte réalisé par Maître Raphaël Serph

Acte précédent a retrouver : 28/09/1782 ou 03/10/1782

19/11/1701Jacques Chollet (Sieur des Ages demeurant à Mois paroisse de Payroux)
de Charles Hillaire
Acte réalisé par Maître Surreau Réf. 4E74/49

XVII siècleCharles de Saint Hillaire marié à Elisabeth d'Oradour (demeurant à St Secondin) Ecuyer, Seigneur de St-Hillaire, détenait le moulin par sa mère

Marie Micheau de la Vélocière (mère de Charles de Saint Hillaire et fille Michau/Maron)
épousa en premier mariage Pierre Cartier, Sieur de la Chaume et de Lavault. En second mariage un Hilayre, Sgr de Moissac et de Bagné
Famille de grands sauniers.

Louis Michau Seigneur de la Varonnière époux de Diane Maron (fille de Louis Maron et Françoise Prévérault, mariés avant 1600), Sgr de la Bonnardelière 

1667 : Pierre Vaugelade, Seigneur de la Grenatière, avocat 

1525 : Jehan Jousserant Seigneur de Layré, aveu et dénombrement de ses biens lors de la bataille de Pavie à Louise de Savoie, dame de Civray, mère de François 1er, l'hébergement du Tan

1459Thomas Suyreau dit Quissarme Médecin du roi Louis XI. Seigneur propriétaire de l'hôtel noble de la grenatière de Savigné, du château du Cibiou à Surin et des Ages. Etabli à Châtellerault en mai 1459. Seigneur par don de Charles VII en février 1443 de Civray, Saint-Maixent, Melle, Chizé et Sainte-Néomaye
Famille poitevine. Médecin de Charles Ier d'Anjou, comte du Maine, grâce à qui il eut la charge d'aumônier de la Vieille-Aumônerie des femmes et filles trouvées de Saint-Maixent, et celle de juge de Saint-Maixent et de la cour de prévôté dudit lieu. En 1459 il était docteur en médecine, seigneur de la Grenatière et de Surin. En 1451, il était encore établi à Châtellerault. Après son mariage en 1461, il se fixa à Saint-Maixent, et fut docteur régent à la faculté de médecine de Poitiers en 1469. A la mort du comte du Maine en 1473, il devint le médecin ordinaire de Louis XI.

Moyen Age : Le moulin du Tan était tenu féodalement des seigneuries des Ages, de la Verdière et de la Grenatière

La Grenatière (Granetère, Grenetère) Ancien fief relevé du comté de Civray. Le plus ancien document retrouvé du domaine de la Grenatière  figure en 1172 comme étant une Seigneurie Villa Nova.
Moulin Veil de la Granetère (1404 gr Gauthier ibid. r 260 v°). ). Possession du Seigneur de Bois-Seguin (1468). Fief de Loin (1482)

Article écrit par Mr Bobe, instituteur à Civray dans les années 1950

A son origine, le moulin a été construit dans le lit de la Charente. Il était équipé de 2 roues a aube et permettait de relier les 2 rives. Ce qui signifie que l'on pouvait franchir la rivière en cet endroit.

Afin d'augmenter la puissance hydraulique, une chaussée d'environs 140 mètres fut construite permettant de canaliser le flux et ainsi établir le bief. Par cette construction, lors des crues, le surplus des eaux a commencé son rôle d'érosion des terrains laissant pour témoignage actuel une bande de terre.

L'église Saint Hilaire de Savigné, dont il est établi son existence au XII° siècle, se situe sur la rive droite de la Charente et visible du moulin. Un chemin partant de l'église, se divisait en deux parties : l'un arrivait au niveau de la chaussée, l'autre au bac qui permettait de franchir la rivière. Ce bac rejoignait une seigneurie appelé « la grenatière » dont le moulin dépendait, en témoigne un chemin reliant le long de la rive gauche l'arrivée du bac au moulin.



Sur ce dessin, notez l'orthographe de "tems", nous verrons plus loin que ce terme pourrait avoir une autre signification que le tannage. 

Face à la Grenatière, un chemin pierreux partait en direction de l'Abbaye Notre-Dame et Saint-Jean l'Evangéliste de Montazai, prieuré mixte de Fontevraud établi en 1119. Ce chemin rejoignait ensuite une voie Romaine reliant Charroux à Saintes, passant à la Touche près de Genouillé, au moulin de Chez David à Lizant, pour continuer sa route vers Ruffec.


Un passage d'histoire


Au regard de ce qui précède, le Moulin du Tan de Savigné aurait été construit au XIIe siècle.


Depuis le siècle précédent, Savigné était le siège d’une viguerie (juridiction administrative médiévale) qui dépendait du pagus de Brion (sorte de chef-lieu administratif). Il exerçait alors un rayonnement certain et son curé était archiprêtre de Savigné et de Gençay qui dépendait de l’archidiaconé de Brioux.
Pendant toute cette période, sur l’autre rive de la Charente, le prieuré de Montazai jouissait d’une réelle indépendance car il était rattaché à l’Abbaye Royale de Fontevrault.

Dans le Poitou, nombreux ont été les personnages qui ont marqué l'histoire de cette région.  La Duchesse d'Aquitaine, occupe une place centrale dans les relations entre les royaumes de France et celui d'Angleterre. Aliénor d'Aquitaine, épouse successivement le roi de France Louis VII, à qui elle donne deux filles, puis Henri Plantagenêt, le futur roi d'Angleterre Henri II, renversant ainsi le rapport des forces en apportant ses terres à l'un puis à l'autre des deux souverains.


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De cette seconde union naîtra cinq fils et trois filles, dont le plus célèbre, Richard Coeur de Lion naquit le 8 septembre 1157, deviendra lui même en 1189, roi d'Angleterre. 
Il passera une bonne partie de sa jeunesse entre Bordeaux et Poitiers et s'attacha très tôt à cette région en s'imprégnant de la culture chevaleresque, le maniement des armes et montra de véritables talents dans le domaine guerrier. Conseillé par sa mère, il s'initia à la politique en tant que puissant seigneur féodal. A la cour de Poitiers, aujourd'hui Palais de justice, il s'imprégna de la culture raffinée, l'art de la poésie et des troubadours et à la fois des valeurs chrétiennes. Il entreprit de nombreux voyages afin de se faire connaître et reconnaître par ses vassaux, et on peut imaginer que son parcours a pu le mener a séjourner dans différentes contrées de son royaume avant de rejoindre son château de Talmont à quelques kilomètres de Saintes, lieu de pèlerinage sur la route de Saint Jacques de Compostelle, basé sur l'estuaire de la Gironde et haut lieu de commerce vers l'Angleterre. 

A l'Abbaye Royale de Fontevraud, point statégique de la dynastie Plantagenêt, aux confins de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou reposent les gisants de cette famille qui ont marqués cette période de l'histoire. 


Le roi de France Philippe Auguste profitera ensuite des dissensions et des révoltes des seigneurs poitevins qui sont souvent en guerre entre eux,  pour récupérer une partie du Poitou et ainsi les châteaux forts qui hérissaient le paysage

C'est aussi la période des premières croisades, pèlerinages armées, prêchées par le pape ou un roi, et organisés par les chrétiens d'occident en vue de conquérir les lieux saints, occupés par les musulmans.  Les croisés s'emparent de Jérusalem, centre du monde spirituel terrestre des chrétiens, s'installent en Palestine et la colonise pendant près de deux siècles (1095-1291), permettant aux pèlerins de se recueillir devant le calvaire et le Saint-Sépulcre et vénérer "la vraie croix". Ces voyages avaient aussi pour objectifs de lever des impôts sur le clergé et de développer le commerce en introduisant en France de nouvelles marchandises (épices, tissus, bijoux, poteries,...) et techniques (notamment le tannage). On reconnaissait les croisés à la croix rouge qu'ils portaient sur leur vêtement, la croix étant le symbole de la chrétienté du Christ crucifié et le rouge pour son sang versé.

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Jérusalem est symbole de trois religions, par ces lieux les plus sacrés, au judaïsme, à la chrétienté et à l'islam. Sa conquête et ses trésors ont depuis des décennies été sujets aux convoitises, aux discordes et aux batailles entre les peuples du monde entier.

Afin d'oeuvrer pour les pèlerins désireux de se rendre à Jérusalem, un ordre nouveau, de moines guerriers, fût créé par les chevaliers de l'Ordre du Temple, plus connu sous le nom de Templiers. Ce sont eux qui ont créé le premier système bancaire avec la mise en place de lettre de change qui permettait aux voyageurs de circuler sans avoir a se munir de biens pécuniers qu'ils risquaient de se voir subtiliser lors de leurs déplacements sur les chemins ou pouvaient sévir des bandits mals intentionnés et près a les détrousser.

Cette période de notre histoire se situe entre 1119, année de la création de l'ordre par Hugues de Payns et 1307, date de l'arrestation des Templier par Philippe le Bel.

De nombreuses traces témoignent de leur implantation dans notre région, notamment avec la commanderie implantée sur la commune de Civray dès 1184 et tenue par Frère Pierre Michel en 1277 et dont il reste aujourd'hui la chapelle transformée en grange de plan rectangulaire.

Le Poitou c'est aussi le berceau de l'art Roman, qui se manifeste dans de nombreux domaines artistiques tels que l'architecture d'églises ou de châteaux, la peinture, la sculpture, la musique, la littérature. Les représentations romanes de la région sont fréquemment ornées de dragons, griffons sirènes et autres créatures hybrides. Ces animaux monstrueux participent au décor des édifices et au message religieux qui le sous-entend. Ils témoignent aujourd'hui de la pensée et l'imaginaire des hommes du Moyen Age.




Les marques du passé


Le Moyen Age est une grande époque de construction. Ce n'est pas tant le nombre qui importe mais la diversité des types de bâtiments, l'éventail des matériaux, de leurs technologies, les capacités d'inventions techniques et de perfectionnement dans l'art de bâtir, l'ingéniosité et l'élégance des solutions architecturales apportées à des problème de tous genres, depuis l'usage des espaces jusqu'aux implications du contexte construit ou naturel.

Un chantier pouvait durer des années et pouvait coûter très cher à l'église où aux seigneurs. Les plans et la construction étaient confiés au maître maçon qui engageait des compagnons pour tailler et sculpter la pierre, puis des manoeuvres pour monter les murs à la force des bras. 

Ces pierres provenaient de carrières qui se trouvaient généralement à proximité, limitant au maximum les transports, difficiles et coûteux. Des engins de levage s'avéraient indispensables pour hisser les pierres en hauteur. Ces engins étaient des cages à écureuil, où treuil à tambour, les ancêtres de nos grues modernes.





Chaque maçon signait les pierres qu'il avait taillées, en les gravant d'une marque dite de tâcheron. Ces marques servaient à calculer son salaire. D'autres marques dites de position indiquaient l'endroit où la pierre devait être placée.

Les graffitis représentés étaient le plus souvent des scènes plus où moins figuratives mais aussi des messages écrits relatant le vécu ou les sentiments du graveur.

Lors de nos investigations à l'intérieur du moulin, nous avons découvert en bas d'un mur de passage d'une passerelle, diverses marques a une hauteur inférieur a 40 centimètres, ce qui permet d'affirmer que ces marques ont été placées pour témoigner en cas de destruction du bâtiment (un mur s'affaissant toujours par le haut, les premières pierres posées restant les dernières en place).
Dans ces nombreuses marques, l'une d'entre elle a retenue plus particulièrement notre attention, nous laissant a penser a un abraxas. 
L'interprétation que nous faisons de cet étrange dessin serait un homme aux pieds crochetés, portant une jupe quadrillée, a tête de boeuf, coiffé d'une tiare, et armé d'une longue flèche, peut être un personnage égyptien où assyrien, du moins cela y ressemble. Mais que vient faire un tel personnage provenant de milliers de kilomètres, représenté au bas du mur de pierre de ce moulin. Nous sommes peut être en présence d'une représentation se rapportant au cuir par le boeuf. 


Selon certains démonographes, l'abraxas apparaît sous la forme d'une chimère avec une tête de coq ou autres animaux, des pieds de dragon et un fouet à la main. D'autres prétendent qu'il se montre avec une tête de roi portant une couronne et des serpents à la place des pieds. Son origine est issue des sept premières lettres du nom de Dieu en hébreu, et fait référence aux sept planètes, aux sept archanges, aux sept péchés, aux sept jours, etc. Décomposées selon le système grec de numérotation, puis additionnées, les sept lettres du terme donnent le nombre du cycle annuel, soit 365. Il est donc le symbole de la totalité de la Création, du cosmos et de la Connaissance. Les basilidiens plaçaient sous ses ordres plusieurs génies, qui présidaient aux 365 cieux, et auxquels ils attribuaient 365 vertus. Il serait aussi utilisé comme symbole par l'Ordre des Templiers, mais uniquement destinées aux hauts dignitaires de l'Ordre, afin de signer les missives confidentielles et/ou secrètes, que les Templiers s'envoyaient.


Or le rez de chaussée du moulin comporte 7 ouvertures. Étonnant !

Après nettoyage de moisissures, un nom placé plus en hauteur est apparu clairement, celui d'un certain Jean Pichot. 




Plus bas, on peut distinguer nettement un P majuscule marqué assez profondément dans la pierre et d'écriture parfaite. La marque a été réalisé à l'aide d'un outil pointu puisque l'on peut observer que la pierre a été poinçonnée. S'agit il de la première lettre de Pichot où s'agit il d'un autre nom, comme Poitevin ou Plantagenêt.

Puis de nombreux traçages de dessins, quadrillages faisant penser à des passerelles ou enclos, des tours avec portes ou on retrouve a chaque fois deux lignes parallèles. Les quadrillages ramène au dessin du personnage vu précédemment en rappelant sa jupe.

Une croix accolée a une demi-lune ou D inversé séparée par un poinçon, mais aussi peut être un blason que l'on a du mal a distinguer parfaitement, dans lequel on pourrait imaginer une autre croix et une fleur de lys.




Enfin, une autre série de lettres J F, de forme d'écriture différente mais dont nous ne connaissons pas, à ce jour la provenance.



Ces informations nous suggèrent qu'un ou plusieurs personnages inconnus, aurait apporté témoignage en dessinant sur ces pierres. S'agissait il de marques de tacherons ou de marques se rapportant à un seigneur où une église. Et pourquoi les avoir reproduit à cet endroit si ce n'était pour être vu et à la fois les dissimuler... 


Peut être l'avenir nous révélera-t-il d'autres traces du passé du Moulin du Tan de Savigné, les techniques modernes permettant la traçabilités et le décryptage de documents anciens, aux communications sur les recherches historiques de plus en plus évoluées, peut être découvrirons nous au hasard d'une fouille des vestiges venant étayer et confirmer nos hypothèses en nous révélant qui fut le commanditaire de sa construction. Mais dans chaque histoire il existe une part de vérité.


Cartes postales du début du XXème siècle
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